Beñat Çuburu-Ithorotz
2009-08-31 11:52
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Des tanneurs basques d’Iparralde dans l’orient cubain.
Si en terme de chiffres l’émigration des Basques à Cuba n’a pas été un phénomène comparable à l’émigration des Galiciens, Asturiens ou Canariens, elle n’en constitue pas moins un apport fondamental qui a contribué à la constitution de la société cubaine actuelle. La grande majorité des émigrants basques étaient originaires des provinces du Sud. Cependant quelques Basques du côté français décidèrent d’émigrer à Cuba aux XIXème et XXème siècles et exercèrent –entre autres- avec succès le métier de tanneur qu’ils avaient appris au Pays Basque. La partie orientale de l’île accueillit nombre de ces émigrants qui, grâce à leur réussite sociale, permirent la création de véritables filières d’émigration. Ce travail prétend brosser quelques portraits de ces tanneurs basques, émigrants d’origine modeste qui ont su prospérer par leur travail et s’intégrer dans la société cubaine post-coloniale.
Si en termes de chiffres, l’émigration basque à Cuba n’a pas été un phénomène comparable à l’émigration des Galiciens, des Asturiens ou des Canariens, elle n’en constitue pas moins un apport fondamental pour la constitution de la société cubaine actuelle.
Ainsi aux XVème et XVIème siècles, grâce à leur connaissance des océans, les Basques furent-ils parmi les découvreurs et les premiers colonisateurs de Cuba; ils contribuèrent à mettre en place toutes les structures commerciales entre l’Espagne et le Nouveau Monde. Aux XVIIIème et XIXème siècles, de nombreuses familles de la saccharocratie cubaine étaient issues d’émigrants basques installés à Cuba. Elles amassèrent des fortunes colossales qui furent en partie rapatriées lors de l’indépendance de Cuba et qui permirent l’injection de capitaux importants dans l’industrie au Pays Basque Sud. Au XXème siècle, le mouvement d’émigration vers Cuba atteint des chiffres très élevés sans que les Basques ne figurent parmi les régions les plus pourvoyeuses d’émigrants.
Il est très difficile d’apporter des chiffres précis qui donneraient une idée de l’importance de la communauté basque ou d’origine basque à un moment donné mais toutes les sources consultées indiquent que le pourcentage de ces émigrants représentait moins de cinq pour cent du total. Cependant, on peut affirmer qu’il s’agissait d’un groupe très actif, dans le domaine économique mais aussi culturel à travers ses deux associations d’émigrants : le Centro Vasco de La Havane et l’Asociación Vasco-Navarra de Beneficencia.
Les Basques furent également bien représentés à Cuba à travers la pelote et si le gouvernement révolutionnaire n’avait pas interdit les paris dans le domaine sportif au début des années soixante, le fronton de La Havane compterait sans aucun doute aujourd’hui parmi les places fortes du jeu professionnel.
Rappelons enfin la place non négligeable des toponymes et patronymes d’origine basque : ils sont la preuve indiscutable que l’émigration basque a marqué le pays d’une empreinte indélébile.
Nous allons dans les lignes qui suivent nous intéresser à une émigration très ciblée, celle de jeunes Basques d’Iparralde, plus particulièrement originaires du village de Hasparren. Certains d’entre eux ont choisi d’émigrer dès le XIX ème siècle vers Cuba alors que cette destination n’était pas cellle que choisissaient la plupart de leurs compatriotes.
Ils s’installèrent principalement dans la partie orientale de l’île et exercèrent le métier de tanneur, qu’ils pratiquaient déjà chez eux avant d’émigrer.
Après avoir présenté l’importance de cette activité industrielle au Pays Basque et dans la région de Hasparren, nous tenterons d’apporter un éclairage sur les conditions qui ont favorisé le départ et l’installation à Cuba de ces jeunes émigrants. Nous dresserons ensuite le portrait de quelques uns d’entre eux, exemples de réussite sociale et d’intégration.
I/ L’INDUSTRIE DES CUIRS ET PEAUX AU PAYS BASQUE
Dès le XVIIIème siècle, des villages du Pays Basque Nord comme Hasparren, Aïnhoa et Espelette, s’étaient spécialisés dans le travail des cuirs et peaux. Maite Lafourcade signale qu’à cette époque il existait dans l’agglomération de Hasparren :
« un noyau industriel qui utilisait les peaux de bêtes à apprêter ou des cuirs qui étaient importés parfois de loin, comme d’Angleterre, de Hollande ou des colonies anciennes du Canada par le port de Bayonne. Le tan pouvait être tiré sur place de l’écorce des chênes des bois communaux et les huiles de poisson pêché à Saint Jean de Luz. Tanneurs, chamoiseurs, corroyeurs et cordonniers travaillaient le cuir à domicile, tout en cultivant leurs terres. Ils vendaient directement les objets qu’ils fabriquaient au marché du lieu […] à des négociants venus de Navarre, Béarn, Chalosse, voire plus loin, qui les revendaient en Espagne ou dans nos colonies. Ils travaillaient aussi à façon pour le compte de négociants bayonnais. » [1]
1) Importance de la tannerie à Hasparren, village du Labourd
a) Des conditions naturelles favorables
Hasparren est une vaste commune de 7701 hectares, située dans la région Est de la province du Labourd, sur la rive droite de la Nive. Elle compte plus de six mille habitants (chiffre presque déjà atteint au XIXème siècle : 5726 habitants au recensement de 1891) vivant dans les onze quartiers situés pour la plupart sur les coteaux qui ceinturent le bourg : Hasquette, Elizaberri, Labiri, Celhay, Sohano, Larrarte, Minhotz, Peña, La Côte, Urcuray, Le Bourg.
Hasparren ( Hazparne en basque, vient de « Haritz barne » qui signifie « entre les chênes ») possédait et possède toujours dans ses 550 hectares de bois et forêts une des essences nécessaires à l’obtention du tannin, le chêne. L’une de ses richesses réside dans la quantité des petits cours d’eau qui sillonnent son territoire. En effet, le mont Ursuia qui domine le village génère une grande quantité de sources et de ruisseaux qui alimentent quatre cours d’eau principaux traversant la commune.
L’abondance d’écorce de chêne et de cours d’eau explique que le tannage du cuir ait été très tôt pratiqué dans le village.
b) Des métiers diversifiés
Les tanneurs et mégissiers ont pendant longtemps constitué l’une des principales professions dans le village. La plupart exerçaient en fait deux activités : laboureur et tanneur.
Les tanneurs travaillaient des peaux lourdes dont les cuirs étaient réservés principalement pour les équipements militaires ou les semelles de chaussures.
Les mégissiers traitaient les petites peaux d’agneaux, de moutons ou de chèvres et utilisaient de l’huile de poisson pour les assouplir. Ils se trouvaient pour la plupart au quartier d’Urcuray, tandis que les tanneurs étaient disséminés sur toute l’étendue de la commune et plus particulièrement dans les quartiers de Celhay (proche du mont Ursuia et de ses ruisseaux) et Urcuray (traversé par le ruisseau « Urkoiko Erreka »). Il s’en trouvait également quelques-uns au bourg, à proximité du cours d’eau appelé « Yondonaneko ura ».
Certains possédaient un petit moulin qui leur servait à réduire en poudre l’écorce de chêne afin d’obtenir le tan qui leur était indispensable.
Le matériel utilisé se réduisait à de simples outils manuels. Tous devaient cependant posséder des fosses dans lesquelles séjournaient leurs peaux durant de longs mois.
A l’arrivée des bateaux au port de Bayonne, des convois de bouviers s’y rendaient pour en rapporter les cuirs verts nécessaires à l’activité des tanneurs locaux.
c) Hasparren : un village tourné vers les métiers du cuir
En 1831, cinquante et une tanneries existaient à Hasparren, la plupart n’employant que deux ou trois personnes. On trouvera en annexe I le nom de ces tanneries, leur localisation ainsi que le nom de leurs propriétaires.
Un foulon appartenait au propriétaire de la maison « Attienia ».
Au début du XIXème siècle, les Haspandars commencèrent à utiliser personnellement les peaux tannées par les mégissiers et tanneurs pour en faire des chaussures. Cette industrie de la chaussure allait prendre tant d’importance qu’elle allait devenir la principale activité du village au XXème siècle jusque dans les années soixante-dix.
Quelques années avant la Révolution on comptait à Hasparren : 442 laboureurs, 353 tisserands et duranguiers, 270 cordonniers, 137 tanneurs, 13 chocolatiers et 32 marchands.
En 1856 on y dénombrait entre autres 591 personnes employées dans le textile, 869 personnes travaillant dans la cordonnerie et 158 personnes vivant du tannage et du corroyage [2].
En 1891, 860 hommes et 685 femmes étaient employées dans les industries du cuir (cordonnerie et tannerie confondues) qui étaient la principale activité dans le village[3] .
Le travail de la tannerie était pénible mais la plupart des tanneurs étaient aussi agriculteurs et étaient donc accoutumés à l’effort. De plus, cette bivalence professionnelle était presque naturelle puisque les paysans produisaient dans leurs propres fermes la matière première qu’ils allaient ensuite transformer : les peaux de bêtes. Annie Roche signale que « c’est la première corporation où l’on a accepté de travailler de cinq heures du matin à une heure pour disposer de l’après-midi et travailler à la ferme »[4] .
2) Techniques utilisées dans la tannerie à Hasparren
Voici les procédés artisanaux utilisés à l’époque où le village s’était spécialisé dans le tannage.
L’on commençait par extraire le tannin ou acide tanique (élément nécessaire pour le tannage) de l’écorce du chêne. Cette opération s’effectuait alors que l’arbre transpirait, quand il était “izerditan” [5], en été. Pour séparer l’écorce du tronc, on fendait l’écorce avec une hache. On la frappait ensuite avec la tête de la hache puis on introduisait celle-ci dans la fente en faisant levier pour faire sauter l’écorce. On la mettait à sécher dans un endroit couvert et on la triturait pour la moudre et la réduire à l’état de poudre.
Une fois le tannin préparé, on prenait une peau de vache que l’on plongeait dans une fosse remplie de chaux et d’eau pour enlever les poils. La fosse avait la forme d’un carré d’un mètre de côté et d’un mètre de profondeur. Elle pouvait être simplement creusée dans le sol ou alors était construite sur le sol et limitée par un mur en maçonnerie d’environ un mètre de haut.
Tous les jours - durant dix jours - il fallait enlever la peau, remuer l’eau et la replonger dans la fosse. Quand les poils tombaient, ils étaient retirés à l’aide d’un couteau. Le cuir passait alors dans une autre fosse de même dimension mais uniquement remplie d’eau. Il y perdait la chaux dont il était imbibé et le tanneur pouvait ensuite retirer les morceaux de chair qui adhéraient encore à la peau.
Puis les fosses étaient plus étroites et plus profondes : 1,5 mètre de profondeur. Elles étaient remplies d’eau et de tannin. Il fallait enlever le cuir deux fois par jour, bien remuer le tannin et y replonger les peaux. Le résultat final était bien meilleur si l’opération était effectuée trois fois au lieu de deux. On changeait le tannin des fosses tous les six jours. Ce processus pouvait durer entre deux mois et demi et trois mois selon l’épaisseur du cuir. Pour savoir si le tannin avait bien pénétré le cuir, l’artisan faisait une entaille dans la partie la plus épaisse à l’aide d’un couteau. Si une raie blanche apparaissait, il fallait continuer. Lorsque le tannin avait bien pénétré, le tanneur passait une graisse spéciale de couleur jaune sur le cuir, le laissait sécher puis le nettoyait. On pouvait alors préparer les différents produits pour lesquels le cuir avait été tanné (souliers, outres…).
Outre les peaux de bovins, l’artisan tanneur travaillait également les peaux de brebis, de moutons et de chèvres. Sur la peau mise à tremper, il jetait de la pierre d’alun, de la poussière et un peu de sel. Il ramassait la peau et la laissait ainsi durant cinq ou six jours avant de la plonger dans une fosse remplie d’eau chaude salée et de pierre d’alun qui s’y diluait peu à peu. Lors de l’étape suivante, la peau était séchée et nettoyée.
II/ DES TANNEURS BASQUES EMIGRES DANS L’ORIENT CUBAIN
1) Le phénomène de l’émigration depuis Hasparren
Du fait du droit coutumier qui régnait en Pays Basque, beaucoup de cadets devaient trouver du travail hors de leur village. Hasparren n’a pas échappé à cette règle. Au XVIIème siècle, on trouve déjà trace de jeunes gens qui partaient s’employer au Sud des Pyrénées pour des travaux agricoles. Au XVIIIème siècle, d’autres émigrèrent aux Antilles ou vers Saint-Domingue. On trouve aussi à cette époque de jeunes haspandars enrôlés comme matelots.
Jusqu’au XIXème siècle, l’émigration depuis Hasparren reste assez peu significative. Le village à vocation essentiellement agricole connaît une activité économique diversifiée et de nombreux haspandars partagent leur journée de travail entre les travaux des champs et un métier d’artisan qui leur permet de vivre plus aisément. Ainsi trouvait-on des ateliers familiaux où l’on écrasait le cacao utilisé par les artisans chocolatiers locaux sur des pierres concaves chauffées. Les échoppes familiales des cordonniers étaient nombreuses et utilisaient de la main-d’œuvre issue du monde agricole selon les besoins. Le cuir destiné à la fabrication de chaussures, de sangles ou autres harnachements était tanné sur place.
Le travail du textile a aussi occupé une grande place dans l’histoire du village : quatre cents personnes en vivaient au début du XIXème siècle. Il exigeait l’activité de plusieurs métiers liés les uns aux autres. Ainsi en 1831 recensait-on à Hasparren : 213 duranguiers et laneficiers, 61 fileuses, 60 tisseuses, 15 tisserands, 15 laveuses et peigneuses de lin, 95 couturières et 25 brodeuses [6]. Un texte émanant de la Chambre d’Industrie et de Commerce de Bayonne daté de 1792 décrit le métier de duranguier et la double activité des agriculteurs haspandars :
« A Hasparren principalement, et dans quelques communes voisines, il y a un grand nombre de fabriques isolées d’étoffes, de laines grossières nommées capas, coutas et marrègues.
Leurs propriétaires, qui sont aussi cultivateurs, font eux-mêmes avec leurs familles presque toute la manipulation de ces fabriques.
La très majeure partie des laines qu’ils y emploient provient des troupeaux du pays et ils tirent le surplus des contrées espagnoles les plus voisines.
Les produits servaient à faire des capes pour les personnes, des couvertures pour le transport des marchandises et des sacs pour le grain et le sel. Ce qui n’est pas consommé dans le pays passe dans les contrées voisines, jusqu’aux ci-devant Languedoc, Quercy et Limousin. » [7]
Les produits fabriqués sont donc vendus sur le marché local relativement important et les surplus écoulés vers Bayonne et d’autres régions françaises.
Néanmoins, les conditions économiques vont se dégrader à partir de la dernière décade de la première moitié du XIXème siècle. En 1841, alors que se termine la première guerre carliste en Espagne, la frontière douanière jusque là située au sud des provinces basques sur l’Ebre, est ramenée à la frontière politique entre les deux états français et espagnol par décret de ce dernier [8]. Le coup est rude pour le commerce bayonnais qui va perdre de son influence ainsi que le marché local de Hasparren dont les ventes vont chuter rapidement. Cette crise se prolongeant, la situation de l’emploi à Hasparren va s’aggraver : le recensement de 1865 fait part de 630 personnes sans emploi.
Déjà entre 1831 et 1836, 875 personnes du canton de Hasparren avaient émigré vers l’Uruguay. La loi de conscription obligatoire va drainer vers le continent américain un grand nombre de jeunes du village. Les archives communales disposent des tableaux de recensement de 1855 à 1866 pour la formation de l’armée territoriale. Le tableau ci-dessous permet de se rendre compte de la saignée opérée par l’émigration dans certaines classes d’âge. 39,2% des jeunes sont portés absents car ils avaient émigré en Amérique du Sud principalement.
Tableau 14 : Recensement pour la formation de l’armée territoriale à Hasparren (1855-1866)
Année de
recensement pour la formation de l’armée territoriale
Nombre de jeunes haspandars recensés
Présents lors du recensement
Absents lors du
recensement car
émigrés
1855 (nés en 1835)
45
18
27
1856
41
19
22
1857
36
15
21
1858
51
29
22
1859
53
34
19
1860
45
27
18
1861
43
31
8
1862
35
25
10
1863
48
33
15
1864
33
25
8
1865
53
36
17
1866
44
24
20
TOTAUX
527
316
207
Source : Archives communales d’Hasparren.
Les destinations préférées sont surtout l’Argentine, Cuba et l’Uruguay dans une moindre mesure. Le tableau suivant permet d’apprécier les lieux choisis pour l’émigration. De véritables filières existaient, les exilés des générations antérieures appelant ceux des suivantes. Il faut rappeler également le rôle des agents d’émigration (ou rabatteurs) qui battaient les campagnes du Pays Basque et au-delà, faisant miroiter une vie meilleure à nombre de jeunes désoeuvrés ou promis à un avenir peu reluisant dans leurs villages. Nous reproduisons dans l’ annexe II ces listes d’émigrés de Hasparren d’où nous avons extrait les noms de ceux partis à Cuba; le nom de leur maison natale ainsi que leur profession apparaît : la proportion de cordonniers et de tanneurs est significative.
Tableau 15 : Destination des haspandars émigrants lors de leur recensement
(1855-1866)
Année
Nombre d’exilés
Buenos Ayres
La Havane
Monte
video
Mexico
CChili
Espagne
Puerto Cabello
1855
27
22
3
1
-
1
-
-
1856
22
19
1
2
-
-
-
-
1857
21
17
1
1
-
-
1
1
1858
22
14
4
2
2
-
-
-
1859
19
13
2
3
1
-
-
-
1860
18
13
2
2
-
1
-
-
1861
8
4
3
1
-
-
-
-
1862
10
8
2
-
-
-
-
-
1863
15
10
2
3
-
-
-
-
1864
8
8
-
-
-
-
-
-
1865
17
14
-
3
-
-
-
-
1866
20
16
4
-
-
-
-
-
Totaux
207
158
24
18
3
2
1
1
Source : Archives Communales d’Hasparren.
Cette hémorragie va se poursuivre durant des décennies et ce, jusqu’au XXème siècle dans les années cinquante. Les destinations resteront les mêmes en ajoutant au XXème siècle l’Etat de Californie aux Etats-Unis et le Chili comme lieux d’émigration préférés.
2) Des tanneurs haspandars dans l’Oriente
La petite colonie de tanneurs dont nous allons parler est numériquement réduite mais assez significative quant au fonctionnement des filières d’émigration. Il suffisait d’un ou de deux individus partis et installés dans le pays d’accueil pour permettre ensuite l’arrivée d’un groupe plus nombreux issu d’une même aire géographique.
C’est ce qui s’est produit dans l’ancienne province d’Oriente à Cuba dans la seconde moitié du XIXème siècle et les cinq premières décennies du XXème siècle. Durant près d’un siècle, des tanneurs venus de Hasparren vont faire prospérer l’industrie de la tannerie dans toute la région, devenant propriétaires des principaux établissements.
Nous aborderons plus avant l’histoire détaillée de ces tanneries à travers les portraits de leurs créateurs, mais attachons-nous pour l’instant à comprendre comment un tel réseau d’émigration vers Cuba a pu se constituer.
Nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, Cuba constituait au XIXème siècle la deuxième destination préférée des jeunes haspandars, très loin derrière l’Argentine. Nous ne savons pratiquement rien sur ceux qui ont émigré dans la première moitié du siècle et des recherches approfondies seraient nécessaires pour parvenir à reconstituer leur parcours depuis Hasparren jusque vers Cuba. Un peu de chance et beaucoup de persévérance nous ont permis de retrouver la trace de certains émigrants des générations suivantes. Cette recherche s’apparente à un puzzle dont on assemble minutieusement les pièces en les retrouvant avec patience. Elle n’est en aucune manière une trouvaille fondamentale mais elle apporte un éclairage sur un pan de l’histoire locale. A notre sens, elle n’a de valeur que parce qu’elle révèle nos ancêtres, simples cadets de familles sans avenir assuré dans leur village qui ont écrit les plus belles pages de leur vie loin de chez eux.
Dans la bibliothèque de l’Université d’Oriente de Santiago de Cuba, nous avons trouvé au hasard de nos recherches un premier élément qui allait permettre la mise en place d’un véritable plan de recherche et surtout d’isoler une période dans l’histoire de l’émigration basque vers Cuba. Les résultats obtenus jusque là avaient été décevants car ils couvraient une période trop vaste allant de la conquête espagnole au XXème siècle.
Dans un ouvrage consacré à l’activité économique dans la province d’Oriente et intitulé Cuba contemporánea (1942) [9], un article était consacré à une tannerie de la ville de Gibara, près d’Holguín, appartenant à un certain Graciano Daguerre (voir annexe III). Ce nom ne pouvait nous laisser indifférent car il est assez courant dans le village de Hasparren. De plus, simple coïncidence ou fruit du hasard, une habitante du village vint nous trouver à la même période pour nous faire traduire une lettre envoyée par sa cousine habitant précisément Gibara qui se nommait Lahirigoyen et dont le père avait travaillé dans la tannerie de Graciano Daguerre !
Le même ouvrage faisait référence à d’autres personnes portant des noms basques et ayant tenu divers commerces dans la province d’Oriente. Il nous a été aisé de constater que tous ces patronymes étaient aussi ceux de plusieurs familles actuelles de Hasparren. Par exemple, dans le village de Banes où siègeait la fameuse United Fruit Company au Nord de Holguín, on signale la « Fábrica de curtidos[10] de Juan Hiriart ». Le nom est assez courant en Pays Basque des deux côtés de la frontière mais orthographié avec un « H » en début de mot, il nous indique que la personne est originaire du Pays Basque Nord; ce qui est confirmé par l’article consacré à cette personne : « … y su propietario es persona activa y laboriosa, originaria de Francia, encontrándose en Cuba desde hace varios años laborando activamente en negocios de esta naturaleza y labrándose por sí mismo una buena posición económica… ».
Hasparren compte bien des familles dont le patronyme est Hiriart tout comme dans d’autres villages du Pays Basque. Là encore l’article trouvé allait nous mettre sur la voie : « … Se encuentra casado el señor Hiriart con la señora María Blanque con la cual tiene cuatro hijos que se llaman Miguel, Juan, Olga y Elena que han heredado las ejemplares costumbres de su decente hogar… ». Ici plus de doute, une dame Blanque à Cuba mariée à un sieur Hiriart était assurément originaire de Hasparren. Une famille portant ce nom existe bien dans le village, nous la connaissons et le patronyme est cette fois-ci peu répandu. Des recherches postérieures à Hasparren auprès de la famille citée nous confirmèrent ces suppositions. Les archives du Consulat de France de Santiago de Cuba conservées aux Archives Diplomatiques de Nantes attestèrent du lieu de naissance des époux Hiriart et le témoignage d’un ancien ouvrier de la tannerie de Gibara nous apprit que Jean dit « Kayet » Hiriart avait travaillé dans les années vingt pour le compte de Graciano Daguerre avant d’ouvrir sa propre tannerie à Banes en 1929.
La liste des jeunes de Hasparren extraite des archives du Consulat (à consulter en annexe V) nous indique que la majorité d’entre eux donne deux adresses de tanneries pour lieu de résidence : soit celle de Graciano Daguerre à Gibara, soit la tannerie de Pedro Sondón (plus tard Pablo Lafitte) à Holguín (une carte en annexe IV précise l’emplacement des tanneries basques à Cuba). Les jeunes émigrants de Hasparren avaient donc deux points de chute avec du travail assuré dans la même région.
Comme nous le verrons plus loin, avant de devenir propriétaire de la tannerie de Gibara, Graciano Daguerre y avait travaillé pour le compte de Pedro Sondón qui, par la suite, en racheta une à Holguín. Ce dernier semble donc être à l’origine de l’arrivée de ces tanneurs de Hasparren qui se succéderont jusque dans les années cinquante. Voici leurs noms dans l’ordre chronologique de leur arrivée; nous présenterons en dernière partie de ce travail les conditions de leur installation :
Pedro Sondón, Antoine Sondón, Pierre Bidart, Gratien Daguerre, Pierre Darricau, Pierre Duhalde, Pascal Daguerre, Jean-Baptiste Hiriart-Urruty, Bernard Bacardatz, Jean-Baptiste Lahirigoyen, Jeanty Detchart, Paulin Lafitte, Jules Plantin, Adrien Cinqualbres, Jean Lafitte, Jean Hiriart, Laurent Detchart, Jeanty Detchart, René Etchegaray.
A Santiago de Cuba, il y eut une tannerie ayant appartenu dans la première moitié du XXème siècle à Jean-Baptiste Etcheverry, natif de La Bastide-Clairence (1874) et ayant vécu à Hasparren, mais nous ne pouvons pas affirmer qu’il a émigré à partir de la filière évoquée précédemment.
Cette liste est certainement incomplète mais elle est se base sur des recoupages entre archives diverses et entretiens réalisés avec les descendants de ces émigrants ou les anciens travailleurs des tanneries à Cuba et à Hasparren.
Nous avons pu également identifier d’autres Basques du Nord ayant émigré à Cuba, dans la zone orientale ou dans le reste de l’île. Beaucoup étaient des tanneurs.
- Pierre Hiriart (Camagüey)
- Barnetche (originaire d’Aïnhoa et propriétaire d’une tannerie à La Havane)
- Léon Curutchet (originaire d’Aïnhoa et ayant travaillé pour le précédent avant de s’employer pour la fabrique de rhum Darío de Santiago de Cuba)
- Millet (Holguín)
- François Mehax (originaire d’Aïnhoa et possédant un commerce à Holguín)
- Emile Mercatbide (né à Barcus et travaillant dans une centrale sucrière à Guantánamo)
- Jean-Pierre Elissalde (né à Espelette en 1902 et ayant travaillé dans une tannerie à Guantánamo)
- Pascal Duhalde (Tannerie Cazabon-Genin de Caibarién)
- Pierre Genin ( idem)
- Louis Genin (idem)
- Jean-Baptiste Cazabon (idem)
- Jean Cazabon (idem)
- André Cazabon (idem)
- Esteban Aguirre (idem)
- Jean-Baptiste Olhagaray, né à Souraïde (idem)
- Pierre Diharce, né à Espelette (idem)
- Pierre Etcheverry, né à Souraïde (idem)
- Candelé, né à Saint-Esteben (idem)
- Sauveur Cazabon (idem)
- Pierre Lartirigoyen, né à Espelette (idem)
- Gracie Zunzunegui, née à Bayonne (idem)
- Catherine Aguirre, née à Larressore (idem)
- Henriette Sallaberry (idem)
- Carmen Ilharreborde, née à Armendarits (idem)
- Philippe Tellechea, né à Ascain (Tannerie Tellechea de Caibarién)
- Dominica Paris, née à Saint Pée sur Nivelle (idem)
- Saint-Jean Mailharrancin (né à Saint Martin d’Arberoue)
- Marie-Léonie Mendiboure (née à Hasparren et épouse du précédent).
III/ DES TANNEURS D’IPARRALDE, EXEMPLES DE REUSSITE ET D’INTEGRATION
Il s’agit ici de retracer le parcours qui a conduit de jeunes gens du Pays Basque Nord vers Cuba à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème.
Suivre leurs traces n’est pas toujours chose aisée car les archives et les quelques témoignages obtenus à travers des entretiens avec leurs descendants ne permettent pas toujours de reconstituer des biographies complètes.
Il nous a semblé cependant opportun de brosser quelques portraits de Basques implantés à Cuba qui, s’ils sont incomplets, n’en représentent pas moins des témoignages de réussite sociale. Ces jeunes émigrants d’origine modeste, puisque presque tous fils d’agriculteurs ont su prospérer par leur travail et s’intégrer dans la société cubaine.
Il serait injuste de ne parler que de ceux qui ont pu « faire fortune aux Amériques »; d’autres émigrants sont partis au même moment qu’eux et n’ont pas connu la même réussite économique; ils ont même travaillé pour eux et sont venus grossir les rangs de ceux qui ont quitté leur pays très jeunes et ne l’ont jamais revu.
Nous avons choisi d’évoquer la mémoire d’un haspandar, Gratien Daguerre parti à la fin du XIXème siècle, alors que l’île est encore sous domination espagnole. Puis nous nous intéresserons à d’autres jeunes Basques émigrés au début des années vingt : deux haspandars installés dans l’Orient cubain, Jean-Baptiste Lahirigoyen et Paulin Lafitte. Deux frères natifs de Guéthary, Jean et André Cazabon, émigrés à Caibarién dans l’ancienne province de Las Villas, dirigèrent la plus grande tannerie de Cuba. Celle-ci n’étant pas située dans la partie orientale de l’île, nous nous contenterons d’évoquer les liens qui unirent cet établissement à ceux de l’Oriente.
Le point commun de ces émigrants est d’avoir dirigé des établissements renommés dans l’industrie du cuir à Cuba. Les chemins de ces Basques tanneurs se croisent souvent - comme nous le verrons - dans la période que nous allons considérer et qui va du début du XXème siècle jusqu’à la fin des années cinquante.
1) A Gibara : Graciano Daguerre
a) Gratien Daguerre
Gratien Daguerre est né à Hasparren le 20 juillet 1874 dans la maison Malexiatea au quartier Hasquette. Il était le fils de Baptiste Daguerre, cordonnier de son état et de Jeanne Londaïtzbéhère. Ses deux grand-pères étaient également cordonniers. La maison familiale était une ferme. On peut supposer que Baptiste Daguerre était de ces nombreux haspandars qui partageaient leur journée de travail en deux : ouvrier dans un atelier de cordonnerie le matin et agriculteur le reste de la journée. Gratien Daguerre a donc dû participer dès son plus jeune âge aux travaux de la ferme familiale et apprendre également les rudiments de la transformation des peaux en cuir ainsi que l’usage que l’on faisait de ce dernier. En effet, il était très courant dans les ateliers de cordonnerie de donner du travail à faire à la maison; celui-ci était souvent exécuté par les femmes et les enfants.
Les archives communales concernant le recensement des hommes pour la formation de l’armée territoriale étant incomplètes, il ne nous a pas été possible de vérifier si Gratien Daguerre était présent à Hasparren lors de son recensement pour la conscription militaire en 1894 lorsqu’il avait vingt ans. Cependant, tout semble indiquer qu’il était absent car sur les registres d’immatriculation du Consulat de France de Santiago de Cuba, dans la colonne « Situation militaire », il est indiqué « soumission du 6 mai 1914 », date de sa première immatriculation.
La date et les conditions de son départ sont toujours à déterminer mais nous pensons qu’elles ont probablement été stimulées par la présence d’une connaissance – ami ou membre de la famille- déjà émigré dans le pays en question. Les recherches entreprises tant au Pays Basque qu’à Cuba laissent à penser qu’il a émigré à Cuba, dans la province d’Oriente et dans le village côtier de Gibara parce qu’il y connaissait quelqu’un.
La piste familiale aboutit clairement dans les Caraïbes; en effet, il y a bien eu des Londaïtzbéhère émigrés à Cuba quelques années auparavant (Dominique en 1855, Jean-Baptiste en 1858 et un autre Dominique en 1866 manquent à l’appel des conscrits et sont signalés comme émigrés à La Havane (Voir annexe II). Dominique Londaïtzbéhère né le 18 juillet 1835 de Dominique Londaïtzbéhère et de Dominica Larre était le frère de Jeanne Londaïtzbéhère née le 13 octobre 1838 et mère de Gratien Daguerre.
Gratien Daguerre a-t-il émigré à Cuba parce que son oncle maternel s’y trouvait déjà et qu’il lui proposait du travail ? Est-il parti seul ou a-t-il voyagé accompagné ? Pourquoi Cuba alors que la majorité des jeunes de son époque choisissent d’émigrer vers l’Argentine ? Des recherches futures plus poussées nous permettront sans doute de répondre à ces questions. Nous serions tentés de dire qu’il est parti d’Hasparren en compagnie d’un dénommé Pierre Darricau, né le 2 février 1873 à Hasparren dans la maison Kurutzaldia au quartier Peña qui est distante de quelques centaines de mètres de la maison natale de Gratien Daguerre. En effet, la petite-fille de Pierre Darricau, Belkis[11] , retrouvée à Gibara, nous a affirmé que son grand-père avait travaillé toute sa vie dans la tannerie de Gibara avec G. Daguerre. Si tel était le cas, nous pourrions dater leur départ aux alentours de 1893-1894, soit lorsque les deux hommes avaient vingt ans. Belkis qui vit aujourd’hui dans la maison qu’habitait Gratien Daguerre à Gibara nous a affirmé que son grand-père était un vétéran de la guerre d’indépendance (1895-1898) et qu’il avait combattu avec les mambis[12]. Cet élément semble donc nous donner raison quant à la date approximative de l’arrivée de Daguerre et Darricau à Cuba.
Daguerre n’était pas passé par le Consulat de France à Santiago de Cuba lors de son arrivée à Cuba (sa première immatriculation datant, nous l’avons dit du 6 mai 1914, quelques mois avant le déclenchement de la Première Guerre Mondiale). On ne retrouve sa trace que le 19 novembre 1902, date de son mariage avec María Crescencia Lamorena. Le frère de cette dernière, Agustín Lamorena travaillait dans l’unique tannerie de Gibara avec Gratien Daguerre au tout début du XXème siècle. Cette tannerie était la propriété de Pedro Sondón Alberiche (déformation de Arbeletche), lui-même natif d’Ayherre, village distant d’Hasparren d’à peine trois kilomètres. Daguerre connaissait-il Sondón ? S’est-il rendu précisément à Gibara car Sondón l’y avait appelé ? On ne peut l’affirmer avec précision mais cette hypothèse est probable. Lorsque quelques années plus tard, Gratien Daguerre deviendra propriétaire de la tannerie et en fera l’industrie la plus prospère de la région, il n’aura de cesse que de faire venir des jeunes d’Hasparren pour travailler avec lui. Voulait-il leur faire revivre sa propre expérience ? Pensait-il que les haspandars étaient les dépositaires d’un savoir-faire et qu’eux seuls pouvaient lui permettre de faire prospérer sa tannerie ?
b) Gibara
Gibara est une ville de la côte septentrionale de Cuba, dans la province d’Holguín, ancienne province d’Oriente. Elle couvre une superficie de 230 km² et a été fondée en 1817. Le port de Gibara est devenu le port d’Holguín par Décret Royal du 23 décembre 1821 : « Se declara puerto de 3a clase el de Gibara, jurisdicción de Holguín, en la Isla de Cuba »[13] . Il n’était pas réputé pour sa qualité (l’un des plus inconfortables de la côte Nord selon les historiens) car ouvert aux vents du nord et de faible tirant d’eau. Il a la forme d’une coquille dont la circonférence serait de huit kilomètres. Enfin, l’entrée du port a une largeur estimée à 1100 mètres. Est-ce pour cette raison que l’activité portuaire n’y a jamais été florissante ? Voici, pour illustration, le mouvement de bâtiments provenant de l’île et de l’étranger sur une trentaine d’années.
Tableau 16 : Mouvement des navires dans le port de Gibara (1827-1858)
ANNEE
NATIONAUX
ETRANGERS
1827
14
6
1830
35
7
1840
49
12
1850
18
14
1858
40
34
Source : H. Leyva y Aguilera, Gibara y su jurisdicción, 1897
L’activité portuaire de Gibara commença à décliner lorsque l’Espagne perdit sa souveraineté sur l’île à la fin du XIXème siècle. Le déclin du port coïncida pratiquement avec l’inauguration de la ligne ferroviaire Holguín-Gibara le 4 avril 1893. Le chemin de fer vit le jour grâce à un riche commerçant de Gibara, Javier González Longoria qui, à la tête de la « Junta Gestora Pro Ferrocarril » oeuvra pour sortir sa ville de son état d’enclavement. Démarrés le 31 mai 1889, les travaux durèrent quatre ans [14]. Si durant sept décennies l’essentiel des opérations commerciales et du trafic de passagers s’était effectué par le port, le train allait désormais supplanter les bateaux à vapeur. La voie commerciale Holguín-Gibara allait devenir la plus importante de la région orientale de Cuba en cette fin de siècle. La tannerie de la ville allait même écouler sa production par le biais de ce nouveau mode de transport, situé à proximité.
La région d’Holguín est une zone à vocation essentiellement agricole; au XVIème siècle on y trouve déjà: « quince ingenios pequeños de caña de azúcar »[15]. Au XIXème siècle, on relève 155 plantations de tabac et tous les produits en provenance de la région et des plaines environnantes d’Holguín vont être exportés par le port de Gibara : sucre, tabac, maïs, noix de coco, bananes, manioc, café, bois, yarey [16] et cuirs. Ces derniers étaient fabriqués dans les quelques tanneries de la région et les peaux provenaient des nombreux élevages de bovins, autre activité traditionnelle de la région.
Lors du recensement de 1852, la juridiction de Gibara [17] comptait 8469 habitants. En 1858, ils étaient 6 702, dont 753 esclaves et 5 273 blancs. On y trouvait 4 français.
Lors du recensement de 1864, les chiffres avaient évolué de la manière suivante : 8 840 habitants, dont 7 012 blancs. Seuls deux français étaient signalés (un seul en 1861) et nous pensons qu’il s’agit de Basques ayant fondé la tannerie comme nous le verrons plus loin.
Nous ne pouvons terminer cette description succincte de Gibara au XIXème siècle sans évoquer l’impression que laisse au voyageur ce petit territoire de Cuba. Dans son ouvrage cité précédemment, Herminio Leyva y Aguilera, historien local du XIXème siècle, soutenait la théorie selon laquelle Christophe Colomb était entré à Cuba par la baie de Gibara le 28 octobre 1492. La description de la terre qu’il découvre et les détails qu’il en donne dans son journal de bord correspondent exactement selon lui à la configuration du port de Gibara. En fait, l’histoire officielle veut que l’Amiral ait posé le pied à Cuba par la baie de Bariay distante d’à peine six kilomètres de la baie de Gibara. Force est de constater que le panorama offert dans la baie est d’une rare beauté. On pourrait même nous reprocher un manque d’objectivité en affirmant que ne fussent-ce les palmiers que l’on trouve çà et là, on se croirait transportés de l’autre côté de l’Atlantique, sur la Côte Basque : la situation géographique de la baie de Gibara et son orientation la soumettent à des vents toute l’année, même en été. Des pins évocateurs se trouvent même près de la mer et se déclinent en de multiples variétés.
Le voyageur ressentira une impression de beauté similaire s’il arrive à Gibara par la route reliant la ville à la capitale de la province, Holguín.
L’élément naturel étant un facteur d’acclimatation fondamental chez l’émigrant, les conditions climatiques, le relief et la végétation environnante ont favorisé l’installation des Basques à Gibara.
Un autre facteur déterminant pour la sédentarisation d’un émigrant est l’assurance de pouvoir travailler. Nos haspandars émigrants ont trouvé dans la tannerie du village un endroit où envisager le futur avec sérénité et où mettre en pratique un savoir-faire ramené de leur lointaine patrie basque.
c) La tannerie de Gibara
Directement liée à l’histoire de son repreneur, la tannerie de Gibara a prospéré grâce à Graciano Daguerre pendant une cinquantaine d’années.
Les archives de Gibara attestent de la présence d’une tannerie en 1861 ainsi que de trois fabriques de chaussures. Nous l’avons vu, le recensement de 1864 révèle la présence de deux français et d’une tannerie « con 3 curtidores y 328 cueros »[18] . Nous pensons pouvoir affirmer avec certitude que ces deux français sont Carlos Guitay et Ignacio Choribit. Les archives notariales de Gibara nous ont permis de découvrir le document par lequel les deux hommes (et un tiers pourvoyeur de fonds) déclaraient que « tienen formada sociedad en una tenería que tienen establecida los dos primeros en esta población y en los confines de la calle de la Marina… » (nous avons reproduit en annexe V l’ acte notarié de création de la tannerie).
Force est de constater que nous ne savons que peu de choses de ces deux Français dont les prénoms apparaissent en espagnol. Il existe bien à Hasparren une famille Choribit et ce patronyme est peu courant au Pays Basque. En 1831, trois membres de cette famille étaient propriétaires de trois tanneries différentes dans le village. Au XXème siècle, Jean-Pierre Choribit émigré au Chili exploitera une tannerie dans la ville de Chillán permettant à plusieurs
jeunes d’Hasparren de trouver du travail dans leur nouveau pays d’adoption.
Deux décennies plus tard, la tannerie est entre les mains de Pedro Sondón Alberiche (Arbeletche), né le 26 décembre 1852 à Ayherre, village voisin d’Hasparren. Sa petite-fille, Elisabeth Cinqualbres rencontrée à Holguín [19] pense que son grand-père est arrivé à Cuba aux alentours de 1870. Les conditions de son émigration nous sont mal connues. Connaissait-il le premier propriétaire de la tannerie de Gibara, Ignacio Choribit ? L’état actuel de nos recherches ne nous permet pas de l’affirmer. Toujours est-il qu’il est entré à Cuba par le port de Gibara, qu’il a travaillé à la tannerie et qu’il aurait émigré avec deux de ses frères. L’un s’embarqua pour l’Argentine et l’autre, Antonio, surnommé « El cojo » (émigré le 5 juin 1883 selon les registres de l’agent d’émigration Guillaume Apheça) resta travailler avec lui à la tannerie. En 1885, Pierre Bidart de la maison Lukuia d’Ayherre émigra vers Gibara à l’âge de dix-huit ans et travailla longtemps dans la tannerie de la ville avant d’ouvrir la sienne à Banes.
Selon les dires de son arrière petit-fils, Pablo de Armas Lafitte, Pedro Sondón aurait commencé à travailler pour le compte des premiers propriétaires de la tannerie sans véritable salaire. Lorsqu’un jour il réclama son dû, les associés lui avouèrent qu’ils étaient ruinés et lui laissèrent le titre de propriété de la tannerie pour tout dédommagement.
Passés les premiers moments de découragement (il dit avoir pensé au suicide), il se ressaisit et acheta une charrette à bras avec laquelle il s’employait sur les quais du port la nuit. Pendant la journée, il travaillait dur à la tannerie. Il réussit ainsi à prospérer au point de posséder également une fabrique de briques, une autre de savon et de nombreuses propriétés agricoles. La fortune qu’il amassa lui permit d’acheter une tannerie à Holguín avant de céder la sienne à Gratien Daguerre.
A Gibara en 1891, il épousa Antonia Rodríguez Leyva, née en 1871 et de dix-neuf ans sa cadette. Ils eurent douze enfants dont deux filles qui épousèrent deux haspandars émigrés à Cuba au début des années vingt. Pedro Sondón mourut le 3 mai 1928 en laissant sa tannerie d’Holguín entre les mains de son gendre Pablo Laffite dont nous parlerons ultérieurement.
d) Graciano Daguerre
Devenu propriétaire de la tannerie en 1895, « don Graciano », comme on l’appelle désormais, n’aura de cesse que de la faire prospérer. Il y travaillera sans relâche, transformant les bâtiments (il construira une aile pour entreposer les cuirs et une autre pour loger les ouvriers qu’il fera venir d’Hasparren) et introduisant peu à peu des machines modernes. Il connaît bien le travail : il a appris le processus de fabrication chez lui au Pays Basque et quelques années de travail à Cuba lui ont permis de se familiariser avec les spécificités de la tannerie cubaine.
La tannerie de Gibara était spécialisée dans le tannage de cuirs destinés à la confection de semelles pour les souliers : le produit fini était donc dur et épais. D’anciens travailleurs de la tannerie nous ont indiqué qu’ils avaient bien fait du cuir à partir de peaux de chèvres ou de « majá »[20] mais qu’il s’agissait de travaux peu courants réalisés sur commande.
Le travail à la tannerie était dur et essentiellement fait à la main. Hormis les foulons, la première machine ne fut introduite qu’en 1936. Il fallait passer de longues heures les pieds dans l’eau, respirer un air chargé d’odeurs nauséabondes et écouler la production. Les peaux provenaient de l’abattoir local situé à l’autre extrémité de la ville, à l’emplacement de la piscine municipale actuelle. On les ramenait sur des charrettes tirées par des chèvres et étaient entreposées dans un hangar. Après avoir été convenablement salée au gros sel pour permettre sa conservation, chaque peau était pliée en quatre, avec les poils vers l’extérieur et la chair vers l’intérieur.
Pour l’épilage, les peaux étaient mises à tremper dans des fosses avec de l’eau mélangée à de la chaux. Graciano Daguerre connaissait ce procédé puisqu’il était aussi utilisé au Pays Basque. Dans un terrain contigu à la tannerie, il avait construit des fours à chaux et produisait donc sur place cet élément nécessaire à la transformation des peaux en cuir. Mises à tremper dans ce mélange d’eau et de chaux, les peaux perdaient tous les poils. Pour l’écharnage, Graciano et ses ouvriers utilisaient des couteaux spéciaux à deux manches. La chair récupérée était passée dans une presse et revendue pour en faire de la colle aux Etats-Unis.
Le tannin n’était plus l’écorce de chêne mais provenait d’une essence très répandue dans la baie de Gibara : le manglier. La feuille d’une de ces variétés de mangliers appelée «patabán » [21] était utilisée pour le tannage une fois triturée et l’écorce du même patabán servait à donner une couleur rougeâtre au cuir. Un autre arbre utilisé dans la tannerie à Cuba était le "quebracho", appelé également "quiebrahacha" ou encore jabí.
Les peaux étaient ensuite coupées en deux, « para separar la culata y la cabeza », selon les termes de Toñito Chacón [22] (88 ans lors de l’entretien) qui a commencé à travailler à la tannerie en 1935. Elles étaient replongées dans les fosses remplies d’eau avant d’être introduites dans les foulons (appelés « bombos ») pour leur donner la couleur désirée. Enfin, la dernière opération était le séchage pour lequel tous les cuirs étaient étalés. Pour leur expédition, ils étaient assemblés et reliés avec du fil d’acier avant d’être mis en rouleaux.
Pour faire face à la demande des fabriques de souliers de la région et des cordonniers locaux, Graciano Daguerre faisait venir des cuirs de tous types et de toutes couleurs des deux tanneries de Caibarién, dans la province de Santa Clara ( celles des Genin-Cazabon et de Telletchea).
Au plus fort de son activité dans les années quarante, elle comptait une vingtaine d’ouvriers et traitait 800 peaux par mois.
Comme mentionné précédemment, Graciano Daguerre fit comme beaucoup de ses compatriotes émigrés « qui avaient fait fortune aux Amériques » en faisant venir auprès de lui des jeunes haspandars qu’il connaissait. C’est une tendance que l’on retrouve dans tous les pays où les Basques ont émigré. Besoin d’avoir des témoins de sa réussite sociale ? Confiance inébranlable dans le savoir-faire des gens du pays natal ? Envie de faire partager cette réussite ? C’est peut-être un peu tout cela à la fois.
Combien de jeunes haspandars Daguerre a-t-il attiré à Gibara ? Nous ne sommes pas certains d’avoir pu tous les identifier mais les entretiens réalisés tant à Hasparren qu’à Gibara ainsi que l’analyse des archives locales ou consulaires nous ont permis d’établir une liste qui doit être proche de la réalité. Ainsi les premiers noms sur la liste sont-ils ceux de membres de la propre famille de G. Daguerre. Son frère Pascual a travaillé à la tannerie une trentaine d’années avant d’ouvrir un magasin de maroquinerie à Holguín en 1936. Né le 13 avril 1879, il a émigré à Gibara vers 1903. Sur la tombe de la famille Daguerre à Gibara nous avons trouvé le nom de Jean-Baptiste Hiriart-Urruty Daguerre. Il s’agissait d’un neveu de Graciano, né le 24 janvier 1890 et décédé à Gibara le 31 mai 1917. C’était le fils de Catherine Daguerre, la tante de Graciano.
En 1921, Jean-Baptiste Lahirigoyen de la maison Mentaxuria au quartier Peña (dont nous parlerons dans le paragraphe suivant) et Bernard Bacardatz de la maison Claveritea rejoignent G. Daguerre et entrent à Cuba par le port de Gibara. Bacardatz ne restera que quelques années avant de rentrer en France et de s’installer à Biarritz d’où il entretiendra par la suite une correspondance avec son ami J.B. Lahirigoyen ( deux lettres datées du 13 novembre 1929 et du 9 février 1935 adressées à J.B. Lahirigoyen et retrouvées à Gibara l’attestent).
En 1923, Adrien Cinqualbres de la maison Betirigastenia né le 29 mars 1909 émigre à Gibara alors qu’il est à peine âgé de quatorze ans. Il y travailla quelques années puis s’installa à Holguín où il épousa Berta Sondón, l’une des filles de Pedro Sondón en 1930. Après avoir ouvert sa propre tannerie de cuirs fins, il perdit tout ce qu’il avait dans les paris de combats de coq et termina sa vie professionnelle dans la tannerie d’un autre français installé à Manzanillo, Joseph Lassalle, natif de Sauveterre de Béarn.
Trois autres haspandars travaillèrent plusieurs années avec Graciano Daguerre : il s’agit de Pierre Bidart, de Jean Hiriart du quartier Peña (qui plus tard ouvrirent chacun une tannerie à Banes, un autre port près de Gibara) et de Pedro Duhalde, natif d’Ayherre.
Durant cette première moitié du XXème siècle Graciano devint l’homme le plus riche de Gibara. Il possédait une centaine de maisons dans la ville, une exploitation agricole de 32 caballerías[23] , « la Gibarita » et était un homme respecté. Il était membre des sociétés les plus en vue comme la Colonia Española mais n’y assistait guère, préférant le jeu de cartes chez lui (il jouait selon sa filleule au « tresillo » et était passionné par les jeux solitaires).
Il travaillait à la tannerie comme ses ouvriers, ne rechignant pas à effectuer les travaux les plus sales et les plus rebutants. En le voyant, d’aucuns auraient pu penser qu’il s’agissait d’un travailleur de Graciano Daguerre. Il traitait également avec les représentants des sociétés avec lesquelles il était en affaires car la tannerie écoulait sa production dans tout le pays et exportait même ses cuirs vers l’Angleterre.
Une anecdote racontée par sa belle-fille ainsi que par un autre habitant de Gibara permet de cerner le caractère de G. Daguerre. Un jour, alors que la ligne ferroviaire Holguín-Gibara fonctionnait encore (elle a disparu de nos jours), un représentant descendit du train. Il se rendait à la tannerie et avait rendez-vous avec Graciano. Comme à chaque arrivée de train, des gibareños quelque peu dépenaillés aidaient les voyageurs à descendre leurs bagages et à les leur porter dans l’espoir de gagner un peu d’argent. A peine eut-il posé le pied sur le quai que notre homme en costume tiré à quatre épingles et parfumé comme il se devait était pris en charge par un homme mal habillé, sale et sentant très mauvais. Notre voyageur lui indiqua l’adresse à laquelle il se rendait et le couple dépareillé prit la direction de la tannerie toute proche. Le portefaix conduisit son client dans le bureau de la tannerie vide à ce moment-là, déposa sa valise, perçut son pourboire et disparut. Quelques instants plus tard Nino Daguerre apparut annonçant que son père allait recevoir le représentant. Effectivement Graciano entra dans un costume blanc, serrant chaleureusement la main de notre homme stupéfait de voir que le porteur de son bagage et le propriétaire de la tannerie n’étaient qu’un seul et même homme !
Graciano Daguerre aimait la compagnie des enfants: souvent alors qu’il marchait dans les rues de la ville et que des enfants se mettaient devant lui, il brandissait sa canne et les repoussait paternellement en disant dans un espagnol teinté de français : « ¡Quítense del medio, que aquí venir yo ! »[24]
Graciano avait également une attitude paternaliste et débonnaire.. Il aida financièrement plusieurs de ses ouvriers et essayait de résoudre leurs problèmes. Selon Annie Roche[25] cette pratique est héritée de la profession des tanneurs et des fabriquants de chaussures. Graciano y tenait et il mit un point d’honneur à loger tous les jeunes qu’il faisait venir d’Hasparren ainsi que tous les ouvriers célibataires de la tannerie dans une aile destinée à cet effet. Une gouvernante d’origine espagnole s’occupait de leurs repas et de leur linge.
Derrière la tannerie une aire était même aménagée pour la pratique de la pelote basque. Mirtha Gurri Leyva, filleule de Pascual Daguerre se souvient d’avoir vu dans les années trente les Basques de la tannerie jouer à la pelote.
« con el aparato ese, una cesta ; eran cuatro y jugaban en pareja. Yo nunca había visto jugar eso ; lo vi por televisión, hace poco, en La Habana. »[26] .
Difficile de s’expatrier totalement et d’abandonner ses coutumes. Les émigrés parlaient cependant peu le basque entre eux. Tous les témoignages recueillis confirment qu’à part quelques rares exceptions, ils glissaient rapidement vers l’espagnol ou conservaient le français.
Graciano s’était marié le 19 novembre 1902 avec María Crescencia Lamorena. Ils eurent une famille très nombreuse : huit enfants, dont sept survécurent. Il y avait cinq garçons : Jean, dit Pepín, Graciano (décédé le 22 janvier 1908), Gratien, dit Nino, Melquiades et René. Les filles étaient Crescencia, Flavie, dite Flora et Marie Anne, dite María. Seuls Nino et Melquiades travaillèrent à la tannerie avec Graciano.
Graciano Daguerre conserva sa nationalité française et choisit d’éduquer ses enfants en Europe. Ainsi Nino fit-il des études de comptabilité à Paris et la famille faisait de fréquents voyages entre Gibara, Hasparren et Fontarrabie où Graciano vécut plusieurs années. C’est d’ailleurs là que se trouvait pratiquement toute sa famille lorsque la mort le surprit à Gibara le 22 décembre 1950.
Outre sa volonté et sa dureté au travail, Graciano ramena du Pays Basque une foi inébranlable. Si aujourd’hui les gibareños ont en mémoire le richissime français venu sans un sou, ils se souviennent avant tout du fervent catholique. Pas une messe à laquelle n'assistait notre haspandar émigré, pas une communion où les enfants ne se voyaient offrir leur costume et autres goûters. Dans les années vingt il décida de commander à Naples en Italie une cloche pour l’église de Gibara. Il avait socialement réussi, avait une famille nombreuse et unie et voulait ainsi marquer d’une manière spéciale son attachement à sa terre d’adoption ainsi que sa reconnaissance envers Dieu qu’il associait constamment à ses succès. Il s’agissait d’un présent d’une valeur inestimable pour l’époque et lors de son inauguration de véritables festivités furent organisées. Voici ce qui est gravé sur cette cloche qui depuis plus de quatre-vingts ans rythme la vie des gibareños :
Don Graziano Dagnerre
DONO A. D. 1929
PREMIATA FONDERIA
DITTA
SALVATORE NOBILIONE
SUCCESSORE
CARMINE CAPEZZUTO
NAPOLI
(ITALIA)
Le nom de Graciano a été mal orthographié en Italie puisqu’un N apparaît à la place du U mais qu’importe, le mécène avait fait œuvre d’immortalité. Son nom restait à tout jamais lié à celui de Gibara et de Cuba. Hasard de l’histoire ? Aujourd’hui le petit-fils de Daguerre prénommé également Graciano a l’insigne honneur de faire sonner la cloche pour appeler à la messe ou lors des fêtes religieuses.
Graciano démontrait également cet attachement à la religion lorsqu’il revenait au Pays Basque : des membres de sa famille vivant à Hasparren nous ont affirmé que les orgues de l’église du village ont été en grande partie financées par un don de Graciano.
Il manifesta également son attachement à sa terre natale en achetant plusieurs maisons ainsi que des terres dans le village : la preuve suprême de la réussite sociale pour un émigrant aux yeux de ses pairs.
2) Juan Bautista Lahirigoyen
Jean-Baptiste Lahirigoyen est né le 4 novembre 1898 à la maison Mentaxuria au quartier Peña d’Hasparren. Son père, Jean-Baptiste Lahirigoyen était laboureur et sa mère, Elisabeth Lapeyrade, ménagère. Il travailla très tôt dans la petite exploitation familiale.
Ayant reçu une éducation religieuse, il semblait se destiner à une carrière cléricale : il disait avoir étudié au séminaire et savait le latin. Son degré d’instruction est attesté par son livret militaire conservé par sa fille Martha à Cuba : il avait le niveau 3. C’est-à-dire qu’il savait lire, écrire et compter, ce qui était rare à l’époque [27] .
Mobilisé au mois de mai 1917 au 18ème Régiment d’Infanterie, il passa au 144ème Régiment d’Infanterie en opération en Orient à la fin de la guerre. « Soldat d’un dévouement absolu et d’un courage exemplaire » tel qu’il est stipulé sur son livret militaire, il reçut la Croix de Guerre, étoile de bronze. Il fut démobilisé au mois de mai 1920.
Jean-Baptiste émigra à Gibara en 1921 appelé par Graciano Daguerre. Celui-ci connaissait ses qualités de travailleur et lui promit un bon salaire dans une activité rentable à cette époque-là. Elisabeth Cinqualbres nous a affirmé que son père Adrien était arrivé la même année à Cuba pour travailler dans la tannerie de Graciano Daguerre et qu’il avait voyagé avec J.B. Lahirigoyen. Ce garçon de quatorze ans a dû voyager accompagné mais nous doutons qu’il l’ait fait en compagnie de Lahirigoyen car les registres consulaires de Santiago de Cuba indiquent que Cinqualbres n’a obtenu son passeport qu’en 1923. Nous pensons plutôt qu’il a effectué la traversée avec Graciano Daguerre alors que celui-ci rentrait de l’un de ses nombreux voyages dans sa terre natale. Ce dont nous sommes certains c’est que Lahirigoyen a voyagé en compagnie de Bernard Bacardatz car les deux se rendent ensemble au consulat français de Santiago de Cuba peu après leur arrivée. Les deux hommes travailleront ensemble à la tannerie de Gibara et conserveront leur amitié même après le retour en France de Bacardatz quelques années plus tard.
Les deux hommes étaient logés à la tannerie avec les autres ouvriers. La journée de travail commençait très tôt et était longue. Ayant le goût des études et une envie irrépressible de progresser, Jean-Baptiste suivait des cours du soir dans une école tenue par des religieux où il obtint l’équivalent du baccalauréat. Plus tard il suivit des cours de comptabilité dans une académie internationale.
Un an après son arrivée à Gibara, il reçut un câble l’informant du décès de sa mère. Il en fut très affecté, projeta de rentrer au pays mais repoussa finalement le voyage. Il ne quitta jamais plus Gibara même s’il parlait souvent d’Hasparren et de Bayonne à ses enfants.
J.B. Lahirigoyen travailla toute sa vie dans la tannerie de Gibara et devint rapidement l’homme de confiance de Daguerre. Les deux hommes s’estimaient mutuellement. Il fut également le chef de production de l’entreprise lors de la période révolutionnaire. Cinquante années durant il participa ainsi au développement et au maintien de la tannerie.
Il épousa María Rosa Cruz Gil en 1930 et ils eurent trois enfants, Golbert, né en 1932, Marta, née en 1934 et Isabel, née en 1942. Outre le travail à la tannerie, Jean-Baptiste s’employait à de multiples tâches : il fit fonctionner les fours à chaux que Graciano Daguerre avait quelque peu abandonnés derrière la tannerie. Il donnait à son patron la quantité nécessaire au tannage des cuirs et vendait le reste pour la construction. Il put s’acheter un camion pour faire des livraisons et l’utilisa également pour aller chercher du bois qu’il coupait pour en faire des poteaux ou des piquets pour clôtures qu’il livrait jusqu’à Bayamo dans le sud de la province d’Oriente. Il se sacrifia pour que sa famille vive décemment et pour que ses enfants reçoivent une bonne éducation. Ces derniers eurent droit aux cours de piano, de mécanographie, d’anglais et de français réservés aux enfants des classes favorisées.
Jean-Baptiste tenait aussi à ce que ses enfants reçoivent une éducation religieuse. Marta se souvient qu’il les obligeait à assister au service religieux: à la première messe de la journée et non à la deuxième ! Même lors de la traditionnelle procession en l’honneur de la Vierge de la Caridad del Cobre [28] : il fallait s’y présenter dès quatre heures du matin.
J.B. Lahirigoyen recevait régulièrement des lettres de sa famille : son père, ses frères et sœurs lui écrivaient et il entretenait une correspondance suivie avec eux. Une trentaine de lettres écrites en basque et retrouvées à Gibara sont un témoignage intéressant de la vie d’une famille d’agriculteurs à Hasparren durant l’entre-deux guerres. A travers ce courrier qui tardait parfois à arriver, Jean-Baptiste apprit successivement le remariage de son père, le décès par maladie de Jean son frère et confident, les difficultés persistantes de l’activité agricole à Hasparren, la déportation en Allemagne de son frère Bernard, etc. Ainsi, ces informations sur la vie familiale lui donnèrent-elles l’impression de garder un lien avec sa terre natale. Ses enfants ont continué à le maintenir : Marta a correspondu avec sa cousine d’Hasparren, Mayi Sallaberry, demi-sœur de Jean-Baptiste car née en 1929 du remariage de son père.
En 1941, Graciano Daguerre décida de rentrer en Europe pour plusieurs années. Il confia à J.B. Lahirigoyen les destinées de la tannerie lui promettant de lui donner un pourcentage des bénéfices à son retour. Lorsque Graciano revint à Gibara en 1948, il eut la désagréable surprise de voir que ses deux fils Nino et Melquiades avaient dilapidé une partie de sa fortune et il ne put tenir la parole donnée à Jean-Baptiste. Deux ans plus tard, il demanda à ses deux fils de « arreglar las cuentas de Bautista y de hacerle un buen regalo porque es un buen trabajador. » Mais Jean-Baptiste ne vit jamais son dévouement et ses efforts récompensés.
Lorsque le gouvernement révolutionnaire saisit la tannerie et tous les biens de ses propriétaires, l’entreprise resta fermée quelque temps. Jean-Baptiste dut même payer la maison que Graciano lui avait donnée. La pénurie était grande à cette époque et tout travail rentable était le bienvenu pour améliorer le quotidien. La fille de Jean-Baptiste, Marta venait de commencer sa carrière d’enseignante. Elle était la seule à avoir un salaire et devait donc subvenir aux besoins de ses parents. Elle eut l’idée d’offrir à son père des peaux pour qu’il puisse relancer l’activité de la tannerie. Jean-Baptiste qui avait atteint l’âge de la retraite se retrouva chef de production de l’entreprise qu’il avait toujours connue. Il fut plusieurs fois « Vanguardia Nacional » [29] et son savoir-faire était reconnu. La tannerie continua de fonctionner jusque dans les années soixante-dix avec sept employés avant d’être transformée en fabrique de chaussures.
Même à l’âge de la retraite Jean-Baptiste continua à s’instruire. Il s’inscrivit aux cours de la « Escuela Obrera Campesina », eut sa fille pour professeur et obtint son diplôme.
Jean-Baptiste travailla jusqu’en 1972 et tomba malade. Il fut opéré d’un cancer et mourut le 26 septembre 1973.
Son histoire peut sembler des plus banales mais l’homme nous semble être l’archétype du jeune Basque pétri de qualités, à l’esprit aventureux, exilé loin de sa patrie dans l’espoir d’y faire fortune et qui a contribué à écrire l’histoire da sa patrie américaine d’adoption.
3) A Holguín : Pablo Lafitte
Pablo Lafitte est de ces basques émigrés à Cuba qui ont marqué leur passage d’une empreinte indélébile. Toute sa vie fut marquée par des valeurs qu’il portait au-dessus de tout : le travail, la famille, le patriotisme.
a) Paulin Lafitte
Paulin Lafitte est né le 2 septembre 1902 à la maison Larregainbeheria à Hasparren. Son père, Martin, était charpentier et sa mère, Jeanne Detchart, ménagère. Pour des raisons professionnelles la famille dut déménager à Bayonne à une date que nous n’avons pas pu déterminer.
C’est avec deux de ses cousins également originaires d’Hasparren et mineurs comme lui qu’il s’embarque en 1921 à destination de Cuba avec une autorisation de ses parents. Il s’agit de Jeanty Detchart , né le 14 juillet 1903, fils de Jean Detchart et de Jules Plantin, né le 18 février 1904, fils de Marie Detchart qui décédera accidentellement quatre ans plus tard à Banes.
Les trois étaient des petits cousins de Pedro Sondón, propriétaire de la tannerie de Gibara puis de celle d’Holguín qu’il acquit en 1895. Alors qu’il développait son affaire, Sondón souhaita y associer sa famille, ce qui est une constante chez les Basques émigrés ayant atteint une certaine aisance matérielle.
A Holguín Paulin Lafitte épousera le 25 juillet 1925 Florinda, l’une des filles de Pedro Sondón. Il aura deux enfants, Martin né en 1925 et qui sera capitaine de la sélection cubaine de base-ball aux Jeux Olympiques d’Helsinki et Jeanne, née en 1929. Les qualités de P. Lafitte impressionnent le propriétaire de la tannerie et lorsqu’il décédera en 1928, c’est à son gendre et non à ses propres fils qu’il confiera les rênes de l’entreprise familiale. Paulin s’associa alors avec son cousin Jeanty Detchart qui possédait également un petit atelier de mécanique.
b) Holguín et la tannerie
Avant le nouveau découpage administratif de 1975, l’ancienne province d’Oriente était composée des provinces actuelles de Las Tunas, Camagüey, Santiago de Cuba, Granma et Guantánamo.
Holguín, nous l’avons vu, est une province dont l’activité agricole est basée sur l’élevage bovin et la culture de la canne à sucre. En 1955, le bétail de la région représentait le troisième élevage du pays en importance et l’on dénombrait 5384 fincas destinées à l’élevage bovin avec 140 000 hectares de pâtures.
La ville d’Holguín compte aujourd’hui environ 150 000 habitants. En 1898, on dénombrait dans la région 34 506 habitants. En 1907, ce nombre passait à 50 244 puis en 1919 à 91 267. La même année, la seule ville d’Holguín comptait 13 768 habitants, puis en 1943 35 865 et en 1953, 56 573.
En 1898, Holguín s’étendait entre les rivières Jigüe et Marañón, limites qui avaient été fixées en 1752. Ce fut Pedro Sondón Arbalech (le nom est orthographié ainsi dans l’ouvrage de José A. García y Castañeda : La municipalidad holguinera : comentario histórico, 1898-1955) qui eut l’idée d’étendre les limites de la ville. En 1923, à partir de la résidence « El Tejar » qu’il possédait aux portes de la ville, il crée un quartier nouveau baptisé « Pueblo Nuevo » dont il cédera une partie à son gendre devant notaire le 6 janvier 1928.
On trouve trace d’une première tannerie créée à Holguín au mois de juin 1820. Elle était installée à proximité de la rivière « Paso de Cuba » et constituait l’une des rares industries de l’époque. Elle appartenait à Doña Rita González Marrajo, originaire de Camagüey. Elle dirigea la tannerie jusqu’à sa mort en 1877, date de la reprise par la famille Vidal [30] .
L’arrière petit-fils de Pedro Sondón nous a affirmé que son grand-père avait racheté la tannerie qu’il dirigea à partir de 1895 à une certaine « Doña Anita »[31] .
Au XXème siècle Holguín compta jusqu’à trois tanneries : celle de Sondón puis de Lafitte-Detchart, celle d’Adrien Cinqualbres et celle de José Iglesias, créée en 1921. Dans les années quarante, la tannerie de Lafitte produisait au plus fort de sa capacité 800 cuirs par mois ; celle de José Iglesias en produisait jusqu’à 1000.
En 1966, la tannerie d’Holguín comptait encore huit ouvriers (dont deux étaient les petits-fils du fondateur Pedro Sondón et un Basque d'Armendarits émigré en 1950 : René Etchegaray) alors qu’elle avait été nationalisée par le gouvernement révolutionnaire. Elle fut ensuite fermée définitivement comme la plupart des tanneries d’Oriente.
c) Pablo Lafitte
Lorsqu’il devint le gérant de la tannerie, le premier souci de Lafitte fut de la rentabiliser et il acquit rapidement des machines modernes pour augmenter la production et faciliter le travail. Il fit comme Daguerre à Gibara et comme son beau-père en faisant venir des jeunes du Pays Basque. Son frère Jean le rejoignit à Holguín avant d’aller travailler dans la tannerie de Tellechea à Caibarién. Puis viendront Laurent Detchart frère de Jeanty, de la famille d’Hasparren, Jeanty Detchart, neveu des précédents et René Etchegaray d’Armendarits arrivés les derniers en 1950.
Son statut d’industriel aidant, il devint rapidement un personnage en vue de la société holguinera bénéficiant d’amis influants. Il ne retourna jamais au Pays Basque mais n’en oublia pas moins ses parents restés seuls à Bayonne. Tous les quinze jours ils recevaient de Cuba un paquet contenant sucre, café, riz et chocolat en tablettes. Cette aide fut surtout précieuse pendant le deuxième conflit mondial et les années de disette qui suivirent. Toute la famille restée au Pays Basque profita des largesses du cousin Lafitte. Son pays natal, il ne l’oublia jamais et il se tenait informé en écoutant les programmes internationaux des radios et en s’abonnant à diverses revues françaises. Il ne rentra pas en France lorsque la guerre éclata car sa présence était nécessaire à la tannerie mais l’action qu’il mena en faveur de la France Libre allait quelque peu bouleverser sa vie.
Auparavant, Pablo Lafitte avait été marqué par la Guerre Civile espagnole et dans ses archives l’on retrouve son « Carnet de ayuda a España » pour les années 1938 et 1939 puis un « carnet de ayudista a la Resistencia Anti-franquista » daté de 1950.
Profondément attaché aux valeurs de liberté et de souveraineté, il participa avec efficacité pendant la Deuxième Guerre Mondiale aux activités du Mouvement de la France Libre à Cuba dont il est l’un des fondateurs. Il en était le délégué pour la zone orientale de l’île, coordonnant toutes les campagnes menées pour récolter des fonds ou du matériel. Elisabeth Cinqualbres qui grandit chez Pablo Lafitte lorsque Adrien Cinqualbres quitta Holguín après son divorce se souvient qu’elle arpentait les rues de la ville pour vendre le bulletin « Francia Libre » édité à La Havane et que Pablo Lafitte avait pour mission d’écouler en Oriente. Elle se souvient également des camions de la tannerie qui étaient réquisitionnés pour aller chercher des matières premières comme l’aluminium qui devait être recyclé par la suite. Florinda Sondón, épouse de Pablo Lafitte était la secrétaire de la section féminine du Mouvement et s’acquittait de sa tâche avec dévouement. Dans son entourage, elle mit toutes les femmes (des Basques émigrés et celles de la « bonne société » holguinera) à contribution en leur faisant confectionner de la layette et en leur faisant apporter leur écôt.
« Cuando se acabó la guerra, la fiesta que se hizo aquí en la casa de Pablo Lafitte fue muy buena. En los techos estaban todas las banderas de los aliados : la rusa, la inglesa, la francesa y … la cubana. Duró tres días la fiesta y empezó desde por la mañana. Se sabía que la guerra iba a terminar y a los niños nos dijeron que cuando oyéramos los cohetes, que pidiéramos permiso a las monjas para salir de la escuela. La fiesta fue una maravilla. En la casa estaba el pueblo entero. Vinieron todos los que habían ayudado durante la guerra. Se trajeron orquestas y todo era gratis; fueron tres días de cumbancha y fue muy lindo… » [32]
En reconnaissance du travail accompli, l’ambassadeur de France à La Havane de l’époque nomma Pablo Lafitte agent consulaire pour la zone orientale de Cuba et il reçut même une lettre de remerciements signée du Général de Gaulle en personne.
Cette marque d’estime toucha profondément Pablo Lafitte qui allait s’acquitter de sa tâche avec un dévouement et un sérieux peu communs. Les archives qu’il a laissées témoignent de l’importance qu’il accordait à sa fonction. De 1945 à sa mort en 1970, il se considéra comme le représentant de la France dans la partie orientale de l’île et l’ambassade eut plusieurs fois recours à ses services pour résoudre divers problèmes. Il conserva toute sa correspondance. Son activité consulaire était intense dans des domaines aussi divers que les échanges économiques entre la France et Cuba, la solidarité envers les orphelins de la guerre ou les soldats français en Algérie, ou encore la diffusion de la langue française à Cuba à travers la radio ou les maisons d’édition. Il utilisa aussi ses relations privilégiées avec l’ambassade de France pour aider ses compatriotes émigrés comme lui à Holguín.
Lorsque le gouvernement révolutionnaire saisit la tannerie au début des années soixante, Pablo Lafitte perdit son statut d’industriel mais resta technicien dans l’entreprise où il avait toujours travaillé. Il aurait pu réclamer une indemnisation pour la spoliation subie mais il n’en fit rien. Il ne tint nullement rigueur aux révolutionnaires de lui avoir retiré ce qu’il avait construit pendant plus de trente ans. Il aurait pu faire comme beaucoup de membres de la bourgeoisie dominante de l’époque et s’exiler car il en avait les moyens. Au contraire, il s’identifia totalement au projet de nouvelle société qui démarrait à Cuba allant même jusqu’à prendre la nationalité cubaine. Ayant conservé son activité d’agent consulaire français, on retrouve dans ses archives plusieurs courriers qu’il a adressés à Fidel Castro et qui ne laissent aucun doute sur ses convictions politiques. En décembre 1962 il lui adressa ses vœux de réussite pour 1963 alors que le pays venait de traverser la crise des missiles et écrivit «… Cuente conmigo, incondicional y desinteresadamente… ». Il envoya à Fidel Castro en 1963 toute une collection de timbres français pour que le pays puisse acquérir des devises et deux télégrammes lors des décès de sa mère et de sa grand-mère. En 1964 il fit un don de cent pesos pour restaurer les écoles détruites par le passage du cyclone Isabel. En 1968, il lui envoya un télégramme à l’occasion de la mort de Che Guevara. Il terminait tous ses courriers par « Patria o muerte – Venceremos », « Por un mundo socializado sin banderas ni fronteras », « Viva el proletariado internacional » ou encore « Un francés que siente la causa de Cuba como su propia causa. » Tous les courriers comportent une réponse signée de la secrétaire particulière de Fidel Castro, Celia Sánchez Manduley.
Un tel comportement méritait d’être souligné chez un homme qui avait pendant près de trente ans été à la tête de l’une des industries les plus florissantes de la région.
Durant toute sa vie, Pablo Lafitte se sentit français dans l’âme et guidé tous les jours par la main de Dieu. Sur ses classeurs d’archives, on trouve les paroles de la Marseillaise et ceci :
« La luz de Dios me rodea
El amor de Dios me envuelve
El poder de Dios me protege
La presencia de Dios vela por mí
Donde quiera que estoy, está Dios. »
La grande majorité des émigrants basques étaient originaires des provinces du Sud. Cependant quelques Basques du côté français décidèrent d’émigrer à Cuba au XIXème siècle et exercèrent - entre autres - avec succès le métier de tanneur. Leur réussite permit l’arrivée de nouveaux émigrants par le phénomène d’attraction. Ce flux était presque toujours constitué de parents ou d’amis. Cet article sur les tanneurs émigrés à partir du village de Hasparren illustre ainsi ce qu’étaient ces filières d’émigration, véritables réseaux à partir desquels des hommes purent quitter le Pays basque pour s’installer de l’autre côté de l’Atlantique.
Cuba ne fut pas comme l’Argentine une destination où les Basques français émigrèrent en masse mais un pays qui reçut des émigrants dans un domaine professionnel très spécialisé.
Les émigrants – qui étaient surtout des hommes - venaient très rarement en couple et se mariaient avec des Cubains, ce qui facilitait leur insertion dans la société.
Ceux qui avaient prospéré retournaient au pays et faisaient bénéficier leurs proches de leur réussite mais la plupart des émigrants ne revinrent jamais. Nous avons trouvé également des émigrants qui avaient la possibilité de rentrer régulièrement au Pays Basque mais qui ne le firent pas. Pablo Lafitte était de ceux-là.
Leur intégration fut favorisée par l’assurance de disposer d’un travail et d’un logement dès leur arrivée. Dès qu’ils le purent, beaucoup s’émancipèrent et finirent par diriger leur propre tannerie.
L’élément naturel ne fut pas négligeable dans l’intégration dans un pays aux conditions générales si différents de celles du Pays Basque. Nous pouvons affirmer que les conditions climatiques, le relief et la végétation de l’Orient cubain et plus précisément de la zone côtière d’Holguín ont favorisé l’installation de ces émigrants.
Chez les émigrants du Pays Basque Nord c'est le sentiment d'être Français qui prévalait. On les appelait d'ailleurs "los franceses" et certains d'entre eux s'illustrèrent par des actes patriotiques lors de la Deuxième Guerre Mondiale. Les quelques Basques originaires des provinces du Nord qui résidaient à La Havane prenaient volontiers part aux activités organisées par les associations d'émigrants basques mais dans les villes où n'existaient pas de telles associations, ils ne rejoignaient que très peu les rangs des associations d'émigrants espagnols qui leur étaient pourtant ouvertes. Signalons enfin que ces Basques, tous croyants et pratiquants, n’eurent aucune peine à trouver leur place dans la société cubaine post coloniale où l’Eglise occupait une place prépondérante.
Il nous faut évoquer ici quelques difficultés rencontrées lors de cette recherche. Tout d'abord, si la bibliographie concernant l'émigration basque (en Argentine entre autres) est abondante, celle concernant l'émigration des Basques vers Cuba est assez peu fournie. Le travail de recherche sur place est donc primordial.
Le nombre d'émigrants encore vivants se réduisant, il est difficile d'obtenir des témoignages directs. Ainsi, depuis que nous avons effectué les entretiens présentés dans ce travail, trois des personnes rencontrées sont décédées.
Cette enquête amorcée sur les tanneries basques à Cuba mériterait d'être poursuivie car toutes les informations n'ont pas été collectées. Il conviendrait entre autres de voir si des émigrants originaires de Hasparren ont pu s’installer dans des conditions similaires dans des pays qui, comme, l’Argentine, l’Uruguay ou le Chili ont accueilli en masse des émigrants venus du Pays Basque.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES POUR CET ARTICLE
Albanés Martínez (J.), Historia breve de la ciudad de Holguín.
Barceló Reyes (J.R.), Oriente, la Suiza cubana. Ed. Cuba Atlas Company, 1928
Cuba Contemporánea : Oriente. La Habana, Centro Editorial Panamericano, 1942
Cuba en la mano. Enciclopedia popular ilustrada, 1940
El Libro de Cuba. La Habana, Talleres del Sindicato de Artes Gráficas, 1925
Forment (C.), Crónicas de Santiago de Cuba. Ed. Arroyo, 1953
García y Castañeda (J.A.), La municipalidad holguinera : comentario histórico, 1898-1955.
Hasparren, regards. Bayonne, Impr. Jean Laffontan, 1997, 166 p.
Iglesias García (F.), Características de la Inmigración Española en Cuba (1904-1930). Economía y Desarrollo, mars-avril 1988, n°2, p. 76-101
INSTITUTO CUBANO DE GEODESÍA Y CARTOGRAFÍA, Atlas de Cuba, La Habana, 1978, 143 p.
Le Riverend (J.), Historia Económica de Cuba. 4ème éd., La Habana, Ed. Pueblo y Educación, 1974, 662 p.
Leyva y Aguilera (H.), Gibara y su jurisdicción : Apuntes históricos y estadísticos, 1836-1897. 488 p.
Lhande (P.), L’émigration basque. Réimpression (1ère éd. 1910). San Sebastián, Ed. Elkarlanean, 1998, 297 p.
Pagola (M.), Culture basque et urbanisation à Hasparren : étude ethnologique. Bayonne, Ed. de l’auteur, 1996, 234 p.
Roche (A.), La tannerie romanaise de 1403 à nos jours. La Manufacture.Dié, 1984
SECRETARÍA DE HACIENDA DE CUBA, Inmigración y Movimiento de Pasajeros, 1902-1931. La Habana, Impr. De Rambla y Bouza.
AUTRES SOURCES
- Archivo Histórico Provincial de Santiago de Cuba (Registro de Estado Civil. Juzgado Municipal de Santiago de Cuba. Libro de ciudadanía. Tomo 1-14 La Colonia Española.
- Archivo Provincial de Holguín.
- Archives Diplomatiques de Nantes (Fonds « Personnel, Agences consulaires et correspondances », n°15, 29, 253 ; Fonds « Consulat de Santiago de Cuba » 1912-1913, 1913-1918, 1918-1921, 1921-1926, 1926-1937)
- Archives de la famille de Paulin Lafitte (Holguín).
- Archives communales de Hasparren.
ENTRETIENS REALISES POUR LE THEME DES EMIGRANTS DE HASPARREN A CUBA
Tannerie d’Holguín :
Jeanty Detchart, Hasparren (78 ans, émigrant).
René Etchegaray, Holguín (Emigrant, décédé depuis).
Alfredo Sondón, Holguín (Employé de la tannerie d’Holguín, petit-fils de Pedro Sondón, émigrant et décédé depuis).
Elisabeth Cinqualbres, Holguín (Fille d’Adrien Cinqualbres, émigrant).
Pablo de Armas Lafitte, Holguín (Petit-fils de Paulin Lafitte, émigrant).
Tannerie de Gibara :
Mayi Sallaberry, Hasparren (demi-sœur de Jean-Baptiste Lahirigoyen, émigrant).
Rosa María Nicolau Fernández, Gibara (91 ans, belle-fille de Gratien Daguerre, émigrant).
Mirtha Gurri Leyva, Gibara (79 ans, filleule de Pascal Daguerre, émigrant).
Belkis Daricó, Gibara (Petite-fille de Pierre Darricau, émigrant et employée de la tannerie de Gibara).
Antonio Chacón Ricardo, Gibara (92 ans, employé de la tannerie de Gratien Daguerre).
Marta Lahirigoyen Cruz, Gibara (71 ans, fille de Jean-Baptiste Lahirigoyen, émigrant).
Tannerie de Banes :
Gracieuse Blanque, Hasparren (92 ans, belle-sœur de Kayet Hiriart et Mayi Blanque, émigrants, décédée)
Annexe I
Tanneurs et tanneries a hasparren en 1831
MAISON
QUARTIER
TANNEUR
BORDETENIA
BOURG
DIBILDOX Jean
ORTESENIA
BOURG
BERHO Dominique
TTATTILATEA
BOURG
BERHO Pierre
PIKASARIA
BOURG
LISSARRAGUE Laurent
(domestique)
TRINQUET
BOURG
CHORIBIT Martin
GAZTELUBERRIA
BOURG
HARGUINDEGUY Jean
BROUSSAINIA
LABIRI
POEYDEBASQUE Jean
BROUSSAINIA
LABIRI
POEYDEBASQUE Baptiste
(mégissier)
XAPITALEA
LABIRI
DEYHERALDE Jean-Pierre
HACHATEY
CHORIBIT Saint-Martin
PUTTUANIA
LABIRI
CHORIBIT Antoine
ILAINDEGIA
HASQUETTE
SOLET Laurent
CHANDELATEA
HASQUETTE
SOLET Baptiste
BIHOTXENIA
ELIZABERRI
HIRIGOYEN Jean
HODITEA
ELIZABERRI
HIRIART Pierre
ZALIONDOA
ELIZABERRI
HIRIART Saint-Martin
ARTALDEY
ELISSAGARAY Martin
URRUTIA
LABIRI
ETCHEVERRY Jean
UHARTIA
LABIRI
SALLABERRY Gratien
XEKALATIA
URCURAY
IRONBERRY Jean
MATALAS
URCURAY
LARREGAIN Jean
PASSIQUET ZAHAR
URCURAY
ETCHEGARAY Jean
PASSIQUET BERRIA
URCURAY
APESTEGUY Jérôme
MIABERRIA
URCURAY
DAINCIART Jean
LUBERRIA
URCURAY
DIHARCE Martin
KARRIKAKO BORDA
URCURAY
SARHY Pierre
SAN MARTINENIA
URCURAY
DAINCIART Etienne
MARTIENIA
URCURAY
COURTELARRE Martin
ILHARRIA
URCURAY
OXANDABARATS Etienne
MENDIKO ETXEBERRIA
URCURAY
ELIÇAGARAY Mathieu
ABADIANIA
URCURAY
ETCHELOUS Baptiste
KURUTZALDIZAHARRA
URCURAY
PASSIQUET Laurent
BERNATENIA
URCURAY
ETCHEGARAY Pierre
APESETXEA
URCURAY
SAINT-MARTIN Jean
AFRANXOENIA
URCURAY
ETEGARAY Jean
EIHERALDIA
URCURAY
ISSOURIBEHERE Pierre
JOANEKOTENIA
URCURAY
DOYHENART Germain
ETXEPARIA
URCURAY
FAGALDE Michel
HARANEDERIA
URCURAY
HARDOY Pierre
LANDABURUA
ELIZABERRI
JANHOTZ Bernard
DOMINGO-EIHERRA
ZELAI
COSTES Bernard
ERREGETEGIA
ZELAI
GARAT Baptiste
HEGIEDERIA
ZELAI
ARBELETCHE Pierre
KAKILENIA
ZELAI
LISSARRAGUE Gratien
AIHERRONDOA
ZELAI
GARAT Vincent
SAUTENIA
ZELAI
LORDA Jean-Baptiste
LORDA
ZELAI
GARAT Bernard
FOULON DATHY
BIDEGAIN Tristant
HARRIAGUA
MINHOTZ
DEYHERALDE Jean
LARZABALIA
MINHOTZ
DOMERC Daniel
XOPATEY BEHERIA
HASQUETTE
?
Sources : Archives municipales de Hasparren
Annexe II
Emigrants de hasparren signales a Cuba lords du recensement pour la formacion de l´armee territoriale
(1855-1866)
Nom
Prénom
Maison
Profession
Date et lieu
de naissance
Parents
Résidence
Degré d’
instruction
1855
1855
1855
1855
1855
1855
1855
AMESPIL
Etienne
Guichonatey
Cordonnier
24-03-1835
Hasparren
Bertrand A.
Dominica
Landarretche
La Havane
1-2
DARTAYET
Pierre
Gasteloa
Tanneur
22-10-1835
Hasparren
Jean D.
Marie
Ississarry
La Havane
LONDAITS-
BEHERE
Dominique
Marandeya
Charpentier
18-07-1835
Hasparren
Dominique L.
Dominica
Larre
La Havane
1-2
1856
1856
1856
1856
1856
1856
1856
ORCAS-
BERRO
Pierre
Chopateya
Tanneur
11-11-1836
Hasparren
Martin O.
Jeanne Duhagou
La Havane
1857
1857
1857
1857
1857
1857
1857
JAUREITO
Arnaud
Chaumindea
Tanneur
28-02-1837
Hasparren
Arnaud J.
Marie Arotseche
La Havane
1
1858
1858
1858
1858
1858
1858
1858
AMESPIL
Bertrand
Guichonatey
Cordonnier
09-01-1838
Hasparren
Salvat A.
Gratienne
Bidart
La Havane
1-2
DACHARRY
Bernard
Dorrya
Tanneur
22-11-1838
Hasparren
Bernard D.
Hélène Cristy
La Havane
HIRIART
Saint-Martin
Alcuyeta
Cordonnier
23-04-1838
Hasparren
Pierre H.
Marie Lagarde
La Havane
1
LONDAITS-
BEHERE
Jean Baptiste
Roquelaurenia
Charpentier
25-11-1838
Hasparren
Dominique L.
Victorine
Lissarrague
La Havane
1-2
1859
1859
1859
1859
1859
1859
1859
ETCHE-
VERRY
Jean
Nimignotea
Duranguier
17-09-1839
Hasparren
Pierre E.
Jeanne Mendy
La Havane
D
LORDA
Arnaud
Gorriateya
Tanneur
21-08-1839
Hasparren
Bertrand L.
Jeanne Hiribarne
La Havane
1860
1860
1860
1860
1860
1860
1860
HIRIART
Laurent
Onyvenia
Dourouthea
Cordonnier
14-06-1840
Hasparren
Pierre H.
Marie Durruty
La Havane
MIRABEL
Jean Baptiste
Elhorria
Cordonnier
16-11-1840
Laurent M
Marie Hiribarne
La Havane
1-2
1861
1861
1861
1861
1861
1861
1861
AMESPIL
Pierre
Guichonatey
Cordonnier
12-10-1841
Hasparren
Bertrand A.
Dominica
Landarretche
La Havane
1-2
ETCHE-
VERRRY
Dominique
Idoeta
Chocolatier
01-07-1841
Hasparren
Salvat E.
Marie Héguy
La Havane
1-2
MAROT
Jean-Baptiste
Athirenia
Serrurier
22-03-1841
Hasparren
Père inconnu
Gracieuse Marot
La Havane
1-2
1862
1862
1862
1862
1862
1862
1862
FAGALDE
Jean
Perlatea
Tanneur
12-11-1842
Hasparren
Josèphe Amestoy
La Havane
1
LARRALDE
Jean
Ospitalia
Laboureur
15-11-1842
Hasparren
Bernard .
Marie Londaïts-béhère
La Havane
1
1863
1863
1863
1863
1863
1863
1863
DINDA-
BURE
Thomas
Somalaya
cordonnier
30-06-1843
Hasparren
Michel D.
Marie Amestoy
La Havane
1-2
SOUBELET
Martin
Bordetam-bourindeya
Tanneur
11-11-1843
Hasparren
Pierre S.
Josèphe Amestoy
La Havane
1
1864
1864
1864
1864
1864
1864
1864
1865
1865
1865
1865
1865
1865
1865
1866
1866
1866
1866
1866
1866
1866
ELISETCHE
Arnaud
Aphechatey
Cordonnier
10-05-1846
Hasparren
Jean E.
Marie
Hiriart-Urruty
La Havane
1
LONDAITS-
BEHERE
Dominique
Moulin Saliondo
Cordonnier
03-10-1846
Hasparren
Antoine L.
Josèphe Pérès
La Havane
1
MAGNET
Jean-Baptiste
Etchetipia
Cordonnier
30-10-1846
Hasparren
Père inconnu
Gracieuse
Magnet
La Havane
1-2
HIRIART
André
Trinqueta
Tanneur
05-05-1846
Hasparren
Laurent H.
(décédé)
Marie Solet
La Havane
(Exempté car fils aîné de veuve)
1-2
Degré d’instruction :
0 : Ne sait ni lire, ni écrire
1 : Sait lire 1-2-3 : Sait lire, écrire, compter
1-2 : Sait lire et écrire D : Douteux
Annexe V
Acte notarie de la creation de la tannerie de Gibara
En el puerto de Gibara a nueve de junio de mil ochocientos sesenta y cuatro años, ante mí el Escribano público y testigos parecieron don Carlos Guitay, natural de Francia, don Ignacio Choribit de la misma naturaleza y don José Clemente Leal, natural de Holguín, todos de esta vecindad, este último en representación de la Sociedad denominada José Sampera y Compañía de que es socio gerente, a quienes doy fe, conozco y dijeron que de común acuerdo tienen formada sociedad en una tenería que tienen establecida los dos primeros en esta población y en los confines de la calle de la Marina bajo las condiciones siguientes :
Primera
La Sociedad girará bajo la denominación de Guitay y Compañía.
Segunda
Que la Sociedad durará el término de 2 años contados desde este día (seis de setiembre del año pasado de mil ochocientos sesenta y dos) y se prorrogará si lo convinieren los socios.
Tercera
Que Guitay y Choribit serán los manipulantes de la tenería de que se compone la Sociedad y don José Sampera y Compañía sólo es uno en comandita.
Cuarta
Que el capital social consta de cinco mil cuatrocientos treinta y ocho pesos treinta y cinco centavos de los cuales introduce Guitay dos mil trescientos setenta y nueve pesos cuarenta y cinco centavos en una casa, terrenos y demás útiles de que se compone la tenería, cueros, efectivo y deudas : Choribit seiscientos setenta y nueve pesos cuarenta y cinco centavos en las mismas especies y don José Sampera y Compañía dos mil trescientos setenta y nueve pesos cuarenta y cinco centavos en efectivo.
Quinta
Que las utilidades que resulten serán divididas en el orden siguiente : para los capitales la mitad proporcionalmente; y de la otra mitad un cuarenta por ciento para cada uno de los dos socios manipulantes y un veinte por ciento para el comandita don José Sampera y Compañía en retribución del trabajo que se ha de tomar en el fin de la mejor venta de los materiales que se saquen de la tenería.
Sexta
Que al cumplimiento de la sociedad entregarán al socio en comandita la parte que le corresponda en efectivo, a menos que no convengan otra cosa al vencimiento de la sociedad.
Sétima
Que los gastos de comida de los manipulantes lo mismo que los del personal que se necesite para los trabajos de la tenería incluso el sueldo de éstos serán de cuenta de la Sociedad.
Octava
Que las diferencias que puedan haber entre los socios serán sometidas a juicio de árbitros nombrados uno por cada parte y en caso de discordia entre éstos nombrarán uno para dirimir los mismos árbitros, a cuyo resultado estarán y pasarán todos los socios, con el fin de que no pueda promoverse acción judicial alguna. Con estas cualidades y condiciones establecen esta sociedad la cual es libre de derechos reales según consta de lo decretado por esta Real Aduana en seis de Noviembre del año pasado de mil ochocientos sesenta y dos, relativo a la declaratoria hecha, en ocho de octubre del mismo año, por la Administració General de Rentas Terrestres de esta Isla; obligando los comparecientes respectivamente al cumplimiento de esta escritura en la más bastante de derecho con sus bienes presentes y futuros renuncian las Leyes, fueros, derechos y privilegios de su favor y la general en forma.
Y firmaron siendo testigos don Ramón Rodríguez, don Jaime Roca y don José Catalá vecinos y presentes = entre = seis de septiembre del año pasado de mil ochocientos sesenta y dos.
Carlos Guitay Inacio Choribit José Clemente Leal
Source : Protocolos notariales de Gibara, año de 1864, Tomo X, Folio 93-2
[1] M. Pagola, Culture basque et urbanisation à Hasparren, Bayonne, Ed. de l’auteur, 1996, p.65, citant M. Lafourcade, “Le pays du Labourd à la fin de l’Ancien Régime”, 1789 et les Basques, p. 45.
[2] Corroyage : Technique d’assouplissement des peaux.
[3] Hasparren, regards, Bayonne, Impr. Jean Laffontan, 1997, p.73-74.
[4] A. Roche, La tannerie romanaise de 1403 à nos jours. La Manufacture. Dié, 1984, p.106
[5] “Izerdia” : “la sueur” en langue basque.
[6] Hasparren, regards, op. cit., p.70
[7] Ibid., p. 70-72.
[8] M. Pagola, op. cit., p.90.
[9] Cuba Contemporánea : Oriente, La Habana, Centro Editorial Panamericano, 1942.
[10] Curtidos : cuirs
[11] Entretien avec Belkis Daricó réalisé à Gibara.
[12] Mambis : insurgés cubains.
[13] H. Leyva y Aguilera, Gibara y su jurisdicción, 1897
[14] J. Albanés Martínez, Historia breve de la ciudad de Holguín.
[15] H. Leyva y Aguilera, op. cit.
[16] Yarey : feuilles du bananier
[17] La juridiction de Gibara comprenait la ville elle-même et des hameaux voisins : Arroyo Blanco, Candelaria, Auras, Pedregoso, Yabazón Arriba, Managuaco, Jobabo, Almirante et Yabazón Abajo.
[18] H. Leyva y Aguilera, op. cit.
[19] Entretien réalisé à Holguín
[20] Majá : variété de serpent à Cuba.
[21] DRAE : Patabán : m. Cuba. Arbol de la familia de las combretáceas, que se cría en las ciénagas y da una madera dura y de color obscuro, que se emplea para postes y otros usos. Es una variedad del mangle.
[22] Entretien avec Toñito Chacón réalisé à Gibara.
[23] Près de 420 hectares.
[24] Entretien avec Rosa María Nicolau Fernández, veuve de Nino Daguerre, réalisé à Gibara le 22 juillet 2000.
[25] A. Roche, op. cit.
[26] Entretien avec Mirtha Gurri Leyva, réalisé à Gibara.
[27] Entretien avec Marta Lahirigoyen, réalisé à Gibara.
[28] La Virgen de la Caridad del Cobre est la patronne de Cuba.
[29] Récompense décernée aux meilleurs travailleurs durant la période révolutionnaire.
[30] J. Albanés Martínez, op. cit.
[31] Entretien avec Pablo de Armas Lafitte réalisé à Holguín.
[32] Entretien avec Elisabeth Cinqualbres
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